Une pièce balottée au gré des démêlés juridiques de son auteur.?
Annoncée en 1773, la pièce est ajournée car Beaumarchais vient de perdre un procès pour faux et a été suspendu de ses fonctions officielles. Menacé de perdre sa fortune, voire même d’être envoyé aux galères, il doit en plus se défendre contre Goëzman, juge du précédent procès de Beaumarchais, qui l’accuse de calomnie ! Pour se défendre et protéger ses richesses, l’écrivain prend sa plume et publie quatre mémoires contre le juge, dans lesquels il dénonce entre autres la corruption du personnage, qui vend son soutien au plus offrant.
En février 1774, le procès est clos : Beaumarchais est condamné au « blâme » (perte des droits civiques), mais grâce au vif succès rencontré par ses mémoires, il a largement gagné l’opinion publique à sa cause et sa fortune est intacte.
Un an plus tard, Beaumarchais fait jouer Le Barbier… Enhardi par le succès de ses mémoires, ou encore sous le coup de la colère, il a ajouté à la pièce de très nombreuses allusions au juge Goëzman, qui cassent le rythme du texte. La première est un tel fiasco que Beaumarchais remanie le texte, qui obtient alors toutes les faveurs du public.
Une œuvre méconnue
« (…) il semble que le jugement de Sainte-Beuve (qui date pourtant de 1852) ne puisse être remis en question : « L’œuvre dramatique de Beaumarchais se compose uniquement de deux pièces, Le Barbier et Le Mariage de Figaro ; le reste est si fort au-dessous de lui qu’il n’en faudrait même point parler pour son honneur ».
Et, bien que ces deux chefs-d’œuvre soient sans cesse repris, combien ne les connaissent qu’indirectement, par l’entremise de Mozart et de Rossini ! Bref, Beaumarchais et son œuvre sont plus célèbres que véritablement connus ».
Introduction, in BEAUMARCHAIS, Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1988.
Figaro et Beaumarchais?
Figaro est présenté comme le héraut des convictions de Beaumarchais. Effectivement, le valet Figaro est la voix de Beaumarchais contre les privilèges de la noblesse, qui ont empêché le dramaturge d’avoir la place qu’il estimait mériter dans la société. Par exemple, dans Le Mariage : « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! (…) Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus » (Figaro, acte V, scène 3).
Ceci dit, les piques de Figaro contre la noblesse ont souvent été perçues comme l’expression du soutien de Beaumarchais à la Révolution… En fait, les choses ne sont pas si simples. L’introduction des Œuvres de Beaumarchais de la Bibliothèque de la Pléiade, remarque qu’ « on a parfois surestimé la portée sociale et politique (de ces déclarations). Elles dénoncent certains abus, (mais) elles n’annoncent ni n’appellent une Révolution ». L’image du Beaumarchais exprimant des convictions révolutionnaires par la voix de Figaro est donc excessive. D’autant plus que la Révolution fut une période difficile pour lui : jalousé pour sa réussite tant par les nobles que par le peuple, il fut inscrit sur la liste des émigrés pendant la Terreur et lui et sa famille échappèrent de peu à la guillotine.