Que s’est il passé à la 107e minute de la finale de la coupe du
monde pour que le dieu du stade, Zidane, contre toute attente, nous ait conviés, par son geste irréversible à une tragédie moderne ?
Michel Belletante, à partir du texte d’Anne Delbée, s’est saisi de cet événement pour explorer sur scène, les liens qui existent entre violence et tragédie.
« Insatisfait par l’évolution d’un monde qui tourne de plus en plus vite, de plus en plus mal, qui répond de moins en moins aux attentes de l’humain, nous avons commencé un chantier consacré à la tragédie.
Pour savoir d’où on vient, pour faire une pause dans cette course violente effrénée… Vers quoi ? Pour s’ancrer plus fort ? Pour chercher autrement tout simplement.
En effet dans le regard hyper dérisoire que nous propose aujourd’hui systématiquement la société dans la représentation d’elle-même, comment trouver ce qui fait l’essentiel de l’homme ? Comment apercevoir encore autre chose qu’une image ou qu’une marchandise, ou qu’un rebut ?
Paradoxalement c’est la relecture d’un fait divers sportif, hélas
banal, l’acte de violence d’un joueur de football sur un autre, qui sert de point de départ à notre exploration.
Peut-être ces quelques mots vous parleront-ils ? Peut-être le coup de folie de Zidane vous a-t-il étonné, frappé, interpellé…
Nous avons commencé le travail, il est passionnant, tâtonnant… Nouscherchons dans beaucoup de directions, l’image et le son sont omniprésents. Comment les intégrer au texte ? Nous avons maintenant quelques éléments de réponses et nous sommes aujourd’hui en attente de réactions pour avancer. »
Michel Belletante / metteur en scène
« Ce qui a retenu mon attention et qui m’a décidé à participer à cette création est le texte d’Anne Delbée. Un texte fort. J’ai été particulièrement intéressé par le propos qui ouvre, selon moi, un vrai espace de réflexion et de création. J’avais aussi une grande envie de travailler avec Michel Belletante.
Dans la 107e minute, les structures d’écran que j’ai créées forment des espaces habitables par le jeu théâtral où la scénographie n’est pas figurative mais spatiale - elle est elle même vidéographique. La vidéo permet ici de créer autour de la comédienne et de son monologue un environnement d’images et de sons. Ces séquences
donnent à voir des espaces extérieurs multiples, des mouvements, des déplacements, des corps, des regards comme autant de présences autour de la comédienne. Mon travail est toujours en lien avec
l’idée de la présence d’images vidéo sur le plateau, j’aime filmer des individus de façon frontale, en grand-angle, dans une proximité physique, regard caméra. Projetées, les images donnent à voir des
personnes qui elles-mêmes regardent le spectateur dans les yeux.
D’où une mise en circulation triangulaire des regards spectateurs/personne filmée/comédienne.
La vidéo se juxtapose ici au jeu dramatique, aux lumières de scène, au traitement sonore, pour créer une « image composite », une image globale, multisensorielle, susceptible, dans un équilibre fragile,de créer l’émotion. »
Pierre Garbolino / vidéaste