Horace
Sous le règne du roi Tulle (VII e siècle av. J-C.), Rome et sa voisine Albe sont en guerre. Une guerre fratricide. Rome et
Albe sont séparées par 25km…
De nombreuses familles des deux cités sont liées entre elles par le mariage ou par les sentiments. C’est le cas des Horace
(Rome) et des Curiace (Albe).
Pour éviter une sanglante bataille, on s’accorde a? désigner des champions dans chaque cite?, issus de ces deux familles
: trois frères de part et d’autre.
Mais le Romain Horace est marie? a? Sabine, soeur de Curiace; tandis que Curiace est fiancé à Camille, soeur d’Horace.
Alors que Curiace, Sabine et Camille sont horrifiés par la cruauté? de la situation, Horace, encourage? par son père, le
vénérable Horace, ne cache pas son enthousiasme d’avoir a? défendre l’honneur de Rome.
Respect, honneur, violence, tout cela se terminera dans le sang et les larmes. Et la domination de Rome qui commence
ici sa marche vers l’Empire.
Et les Albains, dans tout ça ?! C’est vrai qu’on les avait presque oubliés ! Et bien, c’en est fini d’Albe-La-Longue : la ville
est rasée, et ses habitants déportés à Rome, où ils s’installent sur la colline de Caelius.
La pièce, dédiée au cardinal de Richelieu compte 1 782 vers et fut le second grand succès de Pierre Corneille. Écrite en
réponse aux contradicteurs du Cid, la pièce met en scène un personnage encore plus audacieux que Rodrigue, Horace,
qui affronte son meilleur ami et tue sa soeur Camille. Le sujet mythologico-historique est emprunté à Tite-Live. Il n’y a
quasiment aucune trace de cet épisode, ni de l’existence réelle d’Albe-La-Longue …
Ce récit aurait-il donc une valeur cathartique ? Sans doute car toutes les guerres se passent dans la “famille” et entre
voisins…
Jérusalem est à 70km de Gaza, Belgrade à 160 km de Pristina… La ligne bleue des Vosges ne séparait pas de beaucoup
la France de l’Allemagne…
Et comme par hasard dans ces contextes guerriers on voit surgir des hommes providentiels... Des héros... qui parfois
ramassent la mise, mais qui parfois commettent le geste de trop et sont écartés brutalement : Horace, Zeljko Raznatovic,
plus connu sous son nom de guerre d’Arkan, Philippe Pétain.. et dont la mise à l’écart sert mystérieusement les intérêts
du véritable “homme providentiel” : Tulle, Milosévic, De Gaulle, Richelieu ...
Du patriotisme au fanatisme en passant par le sacrifice, cette pièce nous montre une fois de plus que nous n’apprenons
jamais rien du passé.
Comment la représenter aujourd’hui ? Utiliser les artifices du multimédia ? Convoquer les médias et les télés d’information
en boucle ? Ou s’appuyer sur la tradition dépouillée de la tragédie : cette présentation de bataille et de morts figurée pour
mieux s’en libérer ? Évoquer pour ne pas montrer et prendre ainsi le risque de la fascination des images…
Ne pas oublier cependant qu’il y a (au mépris de la tradition classique de l’écriture) dans Horace, trois sujets distincts.
Les trois premiers actes pourraient achever la pièce. Horace le héros vainqueur…
Mais Corneille rajoute les imprécations de Camille et sa mort, puis le procès d’Horace…
Peut-être ouvrir le quatrième acte à un autre mode de représentation, moins classique justement…
Faire résonner le texte aujourd’hui, ce texte de Corneille dans la beauté de l’alexandrin pour que la tragédie éclaire
encore une fois les consciences.
Michel Belletante / Décembre 2018
La première d’Horace a eu lieu en 1640, alors que la France est engagée dans un conflit avec l’Espagne, la guerre de Trente Ans.
Richelieu a appelé la première période du conflit une « guerre couverte », ce que nous appellerions aujourd’hui une
guerre froide. L’occupation par les Espagnols de Trèves est un prétexte tout trouvé à l’engagement de l’armée française.
Toutefois, il existe une raison plus profonde à ce conflit: le roi d’Espagne règne sur de nombreux territoires et a de
nombreux alliés en Europe, si bien que par son influence, il encercle le territoire français.
Richelieu fait également face à l’instabilité en interne : c’est le temps des révoltes protestantes et des rébellions
nobiliaires. « L’union nationale » face à un ennemi étranger permettrait de surmonter, au moins momentanément, les
divisions françaises. Cette guerre prend fin en 1643, après la mort de Richelieu.
Horace est une pièce dédiée au cardinal, protecteur de Corneille. Les parallèles sont alors évidents entre le temps
contemporain à l’écriture et les événements entre Albe et Rome, qui ont inspiré cette oeuvre.
Horace permet à Corneille de retrouver les bonnes faveurs de Richelieu. Le Cid et sa querelle provoquée par les libertés
dramaturgiques qu’il a prises mais aussi à son thème hispanisant ont touché le cardinal. Le dramaturge tente alors de
retrouver ses faveurs en respectant scrupuleusement le déroulement de l’Histoire selon l’auteur latin Tite-Live et en
donnant à Tulle, roi conciliateur de la résolution, des caractéristiques propres à Richelieu. Ses principes concernant
l’effort de guerre et sa politique autoritaire se retrouvent également dans les répliques attribuées par Corneille aux
Romains.